- PRIAPE
- PRIAPEPRIAPEÉtrange est le destin de ce petit dieu nommé Priape, que les auteurs anciens et modernes n’ont cessé de confondre avec d’autres figures de la sexualité, avec Pan ou les satyres, mais aussi avec son père Dionysos ou avec Hermaphrodite. Cela tient sans doute à ce que la marque congénitale de Priape est un membre viril démesuré et à ce que l’on a souvent eu tendance à identifier à ce dieu ithyphallique (au sexe érigé) tout ce qui était hypersexué. Comme si la sexualité excessive du dieu avait confondu les mythographes érudits. Ainsi, pour le définir, Diodore de Sicile et Strabon disent la «ressemblance» de Priape avec d’autres dieux grecs ithyphalliques et affirment que ceux-ci, lui ressemblant, sont priapiques (pour les références des textes anciens et la bibliographie, voir l’article «Priape» [par Maurice Olender], in Y. Bonnefoy dir., Dictionnaire des mythologies , 1981).Cependant, malgré ces confusions fréquentes, les sources antiques tracent une figure spécifique de ce divus minor : en effet, contrairement à ses compagnons phalliques — Pan ou les satyres —, Priape est tout à fait humain. Il n’a ni cornes, ni pieds de bête, ni queue. Sa seule anomalie, son unique pathologie, est ce sexe immense qui le définit dès sa naissance. Des fragments de mythes racontent comment le nouveau-né Priape fut rejeté par sa mère Aphrodite, précisément en raison de sa difformité et de son membre viril disproportionné. Ce geste d’Aphrodite, un autel romain d’Aquilée en témoigne encore, où l’on voit la belle déesse se détourner du berceau de l’enfant que les textes qualifient d’amorphos — de laid et de difforme.Et c’est sa malformation congénitale qui deviendra aussi l’insigne de tout le curriculum mythique de Priape — carrière dont les premières mentions situent l’apparition du dieu à l’aube de l’ère hellénistique, aux environs de 300 avant J.-C., à Alexandrie. C’est à cette époque également que l’on découvre dans les épigrammes de l’Anthologie grecque un Priape, campé dans un jardinet — potager ou verger —, toujours en érection, et dont le membre viril est l’instrument qui doit détourner les voleurs en les effrayant. Ce sexe agressif, Priape ne cesse de l’exhiber en soulevant son vêtement chargé de fruits, signes apparents de la fécondité qu’il devrait favoriser. Et au geste obscène, le dieu joint alors la parole en menaçant l’éventuel voleur, ou la voleuse, de violences sexuelles.Mais, dans les maigres cultures que le dieu est censé surveiller, rien, ou presque, ne pousse. Et, à l’image des misérables jardins de Priape, la statue de celui-ci est taillée en un médiocre bois de figuier. Ainsi, ce dieu que la tradition classique présente comme un instrument de fécondité, les textes font souvent de lui une figure d’échec. Et son sexe apparaît alors comme un instrument aussi agressif qu’inefficace, un phallus qui ne produit ni la fécondité, ni même une joie stérile.C’est Ovide qui raconte comment ce dieu échoue en faisant la cour à la belle Lotis, ou à Vesta, et comment il se retrouve chaque fois bredouille, le sexe en l’air, objet de dérision aux yeux d’une assemblée qui se moque d’un Priape obscène obligé de s’enfuir, le cœur et le membre lourds. Et, dans les priapées latines, ces poèmes qui lui sont dédiés, on retrouve un Priape ithyphallique, protégeant les jardins et menaçant les voleurs, ou les voleuses, des pires sévices sexuels. Mais ici, il lui arrive d’être désespéré. Il supplie alors les malfaiteurs de transgresser la clôture, sur laquelle il se tient, afin qu’il puisse, en les châtiant, se soulager. Mais représentation dérisoire de l’excès, Priape ne pourra pas s’apaiser.Ce sont peut-être les médecins hippocratiques qui, dans leur nosographie, illustrent le mieux certains aspects de ce phallocrate impuissant. Car ils ont choisi de dénommer «priapisme» une maladie incurable où le sexe viril, encore et toujours, reste érigé douloureusement. Et ces médecins de l’Antiquité insistent aussi sur un point: il ne faut pas confondre, disent-ils, le priapisme avec le satyriasis , maladie comparable dans laquelle l’érection pathologique n’exclut ni l’émission séminale, ni la volupté.Cette différence entre l’ithyphallisme de Priape et celui des satyres pourrait indiquer un autre partage encore: celui qui classe Priape, dont les représentations sont toujours anthropomorphes, du côté des humains, tandis que les satyres, êtres hybrides où l’homme se mêle à la bête, sont du côté des démons de la sauvagerie. Comme si une sexualité démesurée, impossible pour un humain — Priape —, était vivable pour les bêtes et les semi-humains.Aristote, dans ses écrits biologiques, précise que la nature a doté le membre viril de la capacité d’être ou non en érection et que «si cet organe était toujours dans le même état, il constituerait une gêne». Or tel est précisément le cas de Priape, qui, toujours ithyphallique, ne connaît jamais la moindre détente sexuelle.Reste à comprendre les aspects fonctionnels de la laideur de Priape. Et comment sa geste compulsionnelle ne cesse de s’inscrire dans une démarche où l’excès provoque l’échec; comment, aussi, Priape s’intègre dans cet univers de la fécondité antique dont il fut une figure banalisée. Le Moyen Âge chrétien allait longtemps conserver sa mémoire avant que la Renaissance ne redécouvre ce petit dieu des jardins.Priapedans la myth. gr., fils de Dionysos et d'Aphrodite, dieu des Jardins, de la Fécondité et de la Génération. Il avait le phallus pour emblème.⇒PRIAPE, subst. masc.A. —Par antonomase. Personne qui, par son comportement, fait penser au dieu Priape. Le roi de Piémont est un véritable bouc, se jetant à la chasse sur la première venue, un vrai priape (GONCOURT, Journal, 1861, p.930). Un jour, Dumas, qui avait l'habitude d'être tout nu sous sa robe de chambre, la laissa tomber et se mit à danser, nu comme un nègre, dont il a le sang et le tempérament de priape (GONCOURT, Journal, 1868, p.425). L'homme sauvage tentait sérieusement de fracturer sa clôture et de s'évader de sa prison de verre, brandissant son membre de Priape hypertrichose (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.142).— P. méton. Représentation du dieu Priape. Sur leurs socles, parmi les boulingrins flétris, Les Priapes frileux feront bien triste mine (MORÉAS, Syrtes, 1884, p.43).B. —P. méton.1. Membre viril en érection (par allusion au dieu Priape qui vint au monde avec un phallus démesuré). (Dict. XIXe et XXes.).2. P. anal. Priape du cerf. ,,Nom donné dans l'ancienne pharmacopée aux parties génitales du cerf qui passaient pour diurétiques`` (Lar. 19e).Prononc.:[
]. Étymol. et Hist. 1304 preape (Placides, ms. B.M. Rennes 593, 526 r° b ds Mél. Horrent (J.), p.11); 1515 priape (PIERRE DESREY, à la suite de Monstrelet, f. 113 ds LA CURNE); puis 1690 (FUR.). Du nom de Priape (lat. Priapus, gr.
) dieu phallique des jardins chez les Grecs, assurant la prospérité, qui en vint à l'époque romaine à personnifier la virilité dans l'amour physique.
priape [pʀijap] n. m.ÉTYM. 1304, in Arveiller : « laquelle verge est apelee preape et en comun langage vit »; de Priape, du lat. Priapus, grec Priapos, dieu des jardins et de la génération.❖♦ Membre viril en érection. ⇒ Phallus, ithyphalle.❖DÉR. Priapique, priapuliens. — (Du même rad.) Priapée, priapisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.